Un Kinetoscope à construire !
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Mais qui que quoi donc ?
En attendant de reprendre son programme de conférences mensuelles à la rentrée,...
un texte de Jordi ARTIGAS, petit lecteur de Catalogne (Espagne)
Comme promis, voici la deuxième partie de l'article sur les appareils de projection pour enfants utilisant des pellicules de papier où de celluloïd.
Dans le premier article, j'ai surtout parlé du Ciné NIC le "roi" des projecteurs pour enfants", voici maintenant le reste des projecteurs et pellicules de dessins -une trentaine environ- qui furent inventés et brevetés en Espagne et surtout en Catalogne et Valéncia entre 1931 (Ciné NIC) et 1976 (CINEXIN)".
Jordi ARTIGAS
Malgré le fait que quelques unes de ces inventions soient des projecteurs jouets utilisant des pellicules en celluloïd -9,5, 8 et Super 8 mm, mais aussi 16 et 35 mm- la plupart ont eu une version papier.
Serait-ce une caractéristique Espagnole ? Je ne puis vous l'assurer.
A propos de quelques-uns de ces projecteurs-jouets, on connaît presque tout : les fabricants, les illustrateurs des films..., pour d'autres presque rien, à peine un nom où une date.
Voici donc notre histoire qui commence..
Plusieurs générations d'enfants ont joué avec ces jouets fabriqués en fer-blanc lithographié de la maison "Payà Hermanos, S.A." créée dans la ville d'Ibi (Pais Valencià) en 1902 par Rafàel Payà Picó.
A l'origine il s'agissait d'une entreprise familiale de ferblantiers -"llanderos" où "llauners" en Catalan- que les trois fils du fondateur, Pasqual, Emili et Vicent Payà Lloret ont orienté ensuite vers l'industrie du jouet.
Le Ciné RAI
L'unique exception aux jouets en fer-blanc fut le Ciné RAI, un projecteur-jouet de dessins animés avec un système très différent du Ciné NIC. Le RAI était un "cinéma-parlant" qui synchronisait l'image et le son grâce aux perforations inspirées de l'orgue de barbarie.
La pellicule possédait deux "bandes animées" (2 mouvements complémentaires) accompagnées de textes, en plus des perforations pour la musique.Fons Payà-Museu Valencià de la Joguina
La pellicule du RAI était d'aller-retour, car la fin d'une histoire était le début d'une autre.
Le premier projecteur fut breveté en 1933. L'année suivante fut créé le modèle sonore qui eut un grand succès. Pour la fabrication des soufflets nécessaires à la sonorisation du RAI, les usines PAYÀ collaboraient avec l'entreprise "Claudio Reig", spécialisée dans le jouet musical.
Extrait d'une pellicule RAI
Pour une vue agrandie et en couleurs, cliquez sur l'image
Il y avait un troisième modèle avec une pellicule de petites dimensions : 17,5 mm, avec une lumière à pile électrique.
Actuellement le Ciné RAI et tous les jouets historiques de PAYÀ forment le "Fons Payà-Museu Valencià de la Joguina". C'est une exposition permanente dans la ville de Ibi, avec possibilité d'expositions ambulantes.
L'ISUAR Cinéma fut fabriqué à Barcelone par les "Manufactures Bebés Isuar S.A" et utilisait le système du mutoscope, sorte de flipbook mécanique. Des petits cartons avec des dessins défilaient devant une source de lumière et étaient projetés l'un après l'autre comme pour un projecteur de diapositives.
Une publicité de la revue "Cinéma Amateur" d'hiver 1934-35 décrivait l'ISUAR ainsi : "(...)C'est le jouet idéal des enfants et adultes. Projection claire et parfaite.(...)Mouvements identiques à ceux d'un film. Pellicules en couleurs et dessinées par des artistes renommés."
(Un de ces dessinateurs pourrait être Cabanas). Chaque film coûtait 2,25 pesetas.
Quelques héros récurrents : "Don Casto", "Pancnito", "Le noir Carbonilla", "Chiquilin"...etc, avec des titres comme "Panchito visite le Dieu Neptune" ou "Le noir Carbonilla arrive dans sa tribu".....
Fut fabriqué a Barcelone et breveté le 9 janvier 1934 par Angel RUIZ, Maria VIDAL et Salvador TUSELL. Ce projecteur utilisait une pellicule en papier paraffiné et comme pour le RAI, la fin d'une histoire était le début d'une autre. Le "Mickey Mouse" avait bien sûr une licence DISNEY pour tous les personnages, mais d'autres héros furent créés en Catalogne.Une publicité dans "Esquitx", revue enfantine de l'époque : « Ciné Mickey Mouse, l'unique appareil qui peut vous projeter à la fois les merveilleuses aventures de la petite souris Mickey, ainsi que celles de votre petit ami "Joan Milhomes" » (Personnage de bande dessinée et de dessin animé créé par le pionnier de l'animation Salvador MESTRES).
L'hebdomadaire "Xut!" (sport et spectacles) du 31.12.1934 publia un commentaire humoristique à propos de l'invasion de l'oncle Walt et de ses produits: "(...)La domination arabe (de la péninsule) en comparaison avec la domination Mickeyana, fut une plaisanterie historique."
Joan Bultà I Roig a créé et breveté a Barcelone en 1935 un premier projecteur (avec nom de cow-boy), le "R0D BULL" qui utilisait deux bandes en papier végétal avec une perforation rectangulaire entre les photogrammes (comme le 9,5mm).Le même inventeur essaya un second projecteur avec quelques variantes appelé "EL VAILET" (le garçon en Catalan), mais ni l'un ni l'autre n'ont obtenu un succès commercial, et cela a provoqué la ruine économique de l'inventeur.
Quand Tomàs MALLOL, le créateur du "Museu del Cinéma" de Girona a voulu rencontrer Joan Bultà (âgé à ce moment-là de 90 ans !), ce fut pour essuyer trois refus consécutifs. L'obstination de MALLOL fut finalement payante et aujourd'hui son musée abrite un prototype du VAILET, ainsi que des projecteurs R0D BULL avec leurs pellicules.
Josep Escobar a inventé en 1942 à Barcelone un premier projecteur qu'il a breveté Ciné SKOB, abréviation de son nom.Il s'agissait d'un projecteur utilisant une pellicule de papier opaque de 35mm, imprimée en trois couleurs avec des perforations rondes et qui projetait par réflexion.L'animation était parfaite et non élémentaire comme le NIC avec ses deux phases.
Le même Escobar dessinait lui-même toutes les pellicules ! N'oublions pas qu'il fut un des meilleurs auteurs de bandes dessinées, d'humour graphique, un très bon caricaturiste, sans oublier qu'il fut également un pionnier du dessin animé en 1934, réalisateur de courts et films publicitaires, et du long métrage en dessins animés "Érase una vez..." (Cendrillon) en 1950. D'ailleurs, son personnage "Carpanta", héros de nombreuses bandes du Ciné STUK (voir plus bas) a été édité sur un timbre de la Poste Espagnole... Les films du SKOB étaient des adaptations de contes classiques comme "Caperucita roja" ou "La bella durmiente", mais également des adaptations des bandes dessinées à succès de l'époque avec des personnages comme "Zipi y Zape" ou "Morcillon".
En 1962, Escobar dépose le brevet d'un nouveau projecteur, le Ciné STUCK, amélioration du SKOB.
Boite de film Ciné Stuk
Comme pour le 9,5mm, les perforations étaient au milieu de la pellicule, mais toutes les 3 images. La pellicule comprenait 2 bandes différentes au lieu d'une pour le SKOB.
Ce projecteur en fer-blanc, à la différence de ses prédécesseurs, utilisait une pellicule en celluloïd 16mm. Il fut inventé par Salvador MESTRES, un autre de nos pionniers du dessin animé, de la bande dessinée et de l'humour.
Le Ciné MICRO
Les dessins étaient de MESTRES, comme par exemple "Concierto de bombo", mais aussi d'Alfons FIGUERAS -encore actif aujourd'hui- connu surtout pour son oeuvre d"humour graphique et de BD. La maison chargée de la commercialisation fut "Novedades Poch" de Barcelone.
Vers 1955, "Novedades Poch" a commercialisé un autre projecteur, plus simple, le Cinéma LUX, avec des bandes de celluloïd 35mm.
Le Ciné LUX
La pellicule comprenait 4 bandes d'images, deux rangées supérieures et deux inférieures, et le défilement se faisait horizontalement.
Quelques-uns des dessins furent de Salvador MESTRES.
Vous pouvez voir tous ces projecteurs au "Museu de Joguets" (Musée de Jouets) de Figueres à Girona.
Quant au reste des projecteurs utilisant des pellicules en papier où en celluloïd, on ne sait presque rien : à peine parfois un nom, un brevet, où une date. Quelquefois on ne sait même pas s'ils ont été commercialisés un jour.....
Et encore, on ne doit pas oublier les jouets qui utilisaient les pellicules 9,5, 8, Super 8 et 16mm, comme le JEFE, fabriqué par la "Casa Saludes" de València, ou encore le EGDA ou le SELIG -ou SELIC- (ce dernier, utilisant les brevets du Ciné NIC, fut exactement le même modèle que celui vendu en France), le Ciné INFANTIL -le "livre des merveilles cinématographiques"-, fabriqué à Sant Adrià de Besós (Barcelone), et enfin l'INECROMO de l"Editorial Roma" de Barcelone.
Peut-être que le dernier de ces projecteurs fut le CINEXIN, fabriqué à Barcelone vers 1976 : tout en plastique, il utilisait des cassettes qui contenaient des pellicules avec les personnages de la maison DISNEY. "El cine sin fin" (le cinéma sans fin), comme disait sa publicité, se trouvait encore annoncé dans un catalogue de jouets de Décembre 1991....
Le cinéma en tant que jouet terminait là sa vie propre pour entrer dans l'histoire : les projecteurs et leurs pellicules sont désormais dans les musées, chez les collectionneurs et autres adultes nostalgiques .... d'ailleurs, qui n'a pas la nostalgie de son enfance ?
Jordi ARTIGAS,
Barcelone, Septembre 1998
(article paru initialement dans "HEEZA actualités" No 17)
L'auteur désirerait un échange mutuel d'informations sur ce sujet avec d'autres personnes intéressées par ce thème, merci.
Jordi ARTIGAS
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Tel/Fax : (34-3) 207 65 10
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